Ravatomanga, vente de terre malgache : 672 millions € en ligne de mire.

Route du littoral Sodiat

Maminiaina Ravatomanga, PDG du groupe Sodiat fait une fois de plus parler de lui à travers un projet d’envergure : vendre 10 millions de tonnes de roche malgache à La Réunion pour sauver la Nouvelle Route du Littoral (NRL). Opération de communication sur l’île Bourbon, avec en-tête de ligne Patrick Grondin, réunionnais d’origine, mais actuel émissaire du Groupe Sodiat dans cette affaire et  directeur de sociétés du même conglomérat industriel à Madagascar.

Réaction officielle du Groupe Sodiat, Communiqué de presse du 10 juin 2015https://dwizernews.com/affaire-sodiat-roches-massives-sodiat-reagit/

La NRL : la route la plus chère de France.

Pour faire simple, la Nouvelle Route du littéral est un projet de la Région Île de La Réunion qui a pour origine essentielle les risques dus aux éboulements de la route de littoral actuelle qui relie par l’océan la capitale Saint-Denis à la ville du Port. Cette ancienne route n’en fini pas depuis sa construction d’être aménagée chaque année. La rumeur publique en faisant de fait « une des routes les plus chères du monde ». L’idée est intéressante : cette ancienne route expresse 2×2 voies construite en 1976 en bas de la falaise rocheuse est trop dangereuse. Refaisons une route identique, mais en pleine mer, décollée de la falaise, il n’y aura plus de risque, et donc moins de frais d’entretien ou risques humains.

Nouvelle Route du Littoral

La facture est salée pour ce projet pharaonique de 12,5 kilomètres : prévisionnel à 1,66 milliards d’euros, soit 133 millions d’euros le kilomètre construit, mais les opposants estiment que la douleureuse friserait les 3 milliards d’euros quand on tient compte notamment de l’augmentation des prix du BTP et des dépenses imprévues. Bouygues et Vinci sont sur le coût pour 1,2 milliards d’euro : « Les travaux du viaduc (715 millions d’euros) et ceux des deux autres lots (530 millions d’euros) s’achèveront en 2018. » (source Vinci).

 

Le grain de sable qui bloque : 19 millions de tonnes de matériaux à trouver !

Un projet titanesque qui pourrait générer 4500 emplois directs et indirects à La Réunion. Sur le papier, on adore. Problème : il faut trouver pas moins de 19 millions de tonnes de matériaux pour la construire. Pour se faire, la société SCPR (Société de Concassage et de Préfabrication de La Réunion) envisage l’ouverture d’une carrière d’extraction de roches massives à Bois Blanc (commune de Saint-Leu). Cette carrière est prévue sur une superficie de 55 hectares. 12 millions de tonnes de matériaux extrait sur 5 ans. Et oui, quand on construit une montagne d’un côté, il faut bien que l’on fasse un trou ailleurs :)

Touch pa nout roche : contre la mega-carrière.

Les voix s’élèvent à La Réunion et la colère des riverains grondent. Un collectif est née contre la mega-carrière à Bois Blanc. Un grand rassemblement est prévu le dimanche 7  juin 2015.

Ce qui est mis en cause, les craintes :

  • Risques majeurs d’accidents de la circulation du au trafic de camions bennes.
  • Risques sanitaires avec la dispersion des poussières : plus de 50 000 habitants concernés.
  • Pollution de la nappe phréatique, des sols et de l’océan. Dégâts environnementaux.
  • Impact négatif conséquent sur le tourisme.

Une pétition est en ligne sur Avaaz : « Pour l’abandon du projet de carrière à Bois Blanc »

La page Facebook du collectif ; 

C’est certain : personne n’aimerait voir naître à côté de chez lui un trou béant de 55 hectares avec le train de désagréments et conséquences que cela va engendrer durant cinq années minimum.

Ravatomanga flaire le bon coût : 672 millions d’euros*.

« Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère viendra à toi. Pauvres Réunionnais, vous ne voulez pas de cette affreuse carrière ? La contestation bloque votre magnifique projet. Que neni ! Nous allons vous sortir cette épine du pied. » C’est en substance ce qu’à annoncer Patrick Grondin dans une conférence de presse bien orchestrée le 5 juin 2015 à La Réunion. « Il faut protéger les gens qui vivent à proximité de ces carrières » dit-il. Plus de 10 millions de tonnes de roches massives en provenance de Madagascar peuvent être importées pour alimenter le chantier de la Nouvelle Route du Littoral explique alors ce Réunionnais, directeur général de MAM (Madagascar Assistance Médicale), responsable de nombreuses sociétés pour le compte du Groupe Sodiat, et en particulier, d’une carrière du même groupe à Fort-Dauphin. « On a la possibilité de fournir la nouvelle route du littoral en roches massives« , annonce-t-il. Selon lui, il est possible d’importer à La Réunion 400 000 tonnes de blocs par mois, sans compter 200 000 tonnes qui sont déjà en stock. Il assure que l’exploitation de la roche massive, son transport vers un vraquier puis son exportation vers les quais du Port représentera environ un tarif de 56 euros la tonne. Si l’on repart sur la prévision de 12 millions de tonnes en besoin estimées à extraire de la carrière de Bois Blanc, prenez votre calculette : 56 x 12 000 000 = 672 millions d’euros ! Certainement, le marché du siècle pour un entrepreneur malgache.

 

L’étrange argumentaire messiaque de Patrick Grondrin.

Patrick Grondin n’y va pas par quatre chemins lors de cette conférence de presse. Il en appelle à la sauvegarde de l’île de la Réunion et de l’intérêt de ses habitants. « Quand je vois ces chantiers à La Réunion, cela m’inquiète. Il faut protéger les gens qui vivent à proximité de ces carrières ». De surenchérir sur la fibre sentimentale : « je ne veux pas que mes enfants et petits-enfants me reprochent d’être resté les bras croisés alors qu’il y avait la possibilité d’exploiter une carrière à Madagascar ». Dans l’engouement, il invoque le risque de préjudice touristique « Comment dire aux touristes de venir alors qu’il y a autant de nuisances ?« . Et ne recule devant rien dans sa fresque de bonnes intentions : « on risque de se retrouver avec un 35 tonne toutes les deux minutes sur les routes pendant cinq ans ». Apparemment très sûr de son discours, il avance jusqu’à la menace aux élus de l’île : « je dis au préfet, au président de région : on peut fournir les carrières sans toucher à celles de La Réunion. […] Si les élus ne comprennent pas, je pense qu’à la fin de l’année il y a des élections. Et la population réunionnaise va décider.« 

Patrick Gondrin littoral Réunion

Patrick Grondin présente les autorisations du gouvernement malgache – Photo ImazPress

En clair : monsieur Grondin explique aux Réunionnais qu’il va les sauver des horreurs de cette carrière… Grâce à la carrière qu’il dirige à Fort Dauphin. Messieurs les Réunionnais, dormez sur vos deux oreilles, pour la pollution et les désagréments, nous sait faire à Madagascar. On vous donne vos roches pour votre belle route et Madagascar fera avec les inconvénients. Ravatomanga prendra au passage plus d’un demi-milliard d’euros. Magnanime et avec hauteur d’esprit, il assure qu’une partie des bénéfices sera versée aux associations réunionnaises et malgaches. Ami de Fort Dauphin, dépêchez-vous de monter des associations.

Et il brandi fièrement les autorisations présentées comme officielles du gouvernement de Madagascar. « On est propriétaire des carrières. On a les autorisations d’importation et d’exportation. On a les bateaux avec les armateurs. On sait comment charger ce type de bateau et comment faire… il faut nous laisser un délai. On a les autorisations administratives. Le plus compliqué : il faut construire les infrastructures sur le port d’Ehoala… et ces infrastructures sont faîtes en Afrique du Sud. Le délais de fabrication est entre 5 et 6 mois. »

Le prix de la terre malgache : 56 €/la tonne.

Sur le fond, que Madagascar fournisse plus de 10 millions de tonnes de roches pour le projet de La Réunion, ce n’est pas forcément une mauvaise chose. Les pyramides ont été construites à grand renfort d’esclavage et ont demandé des tonnes de matériaux. Pour le commun des mortels, ce qui reste – même si on peut le déplorer – c’est uniquement la magnificence de ces fabuleuses constructions. Qu’un entrepreneur malgache en profite, nous ne pouvons que nous en féliciter et reconnaître que si nous étions à sa place, nous saisirions aussi cette belle occasion.

Le problème est d’abord sur la forme. Un projet d’une telle envergure nécessiterait plus de transparence, ne serait-ce que sur le principe d’un appel d’offre public. Et que le gouvernement explique clairement à nos compatriotes ce qu’il gagne dans cette affaire dans l’intérêt d’une bonne gestion de la nation.

Sur le fond, on est sur une réflexion qui a son importance à Madagascar : la vente de terre malgache. À l’heure actuelle, il est interdit de vendre un terrain à un étranger. Même pas un appartement. Hors, si l’on venait à assouplir cette loi et que des étrangers achèteraient du terrain dans notre pays, cette terre resterait bien à Madagascar. Elle ne quitterait pas l’île. Le nouveau propriétaire payerait des impôts et taxes sur celle-ci. Dans le cas de vente de 10 millions de tonnes de roche minimum, c’est un trou d’une superficie 55 hectares environ qui part définitivement à l’étranger. Aucune possibilité de retour. Et, dans ce cas, ce serait autorisé par la loi, et validé par le gouvernement ? Un cas typique d’accaparement des terres, mais cette fois-ci par une société malgache avec l’autorisation de l’État.

 

Même si l’on peut s’étonner de la communication du responsable réunionnais de Sodiat qui ne souhaite pas que ces enfants subissent cette méga-carrière, mais que ne semble pas être si réticent aux méfaits programmés pour nos enfants à Madagascar, le projet et l’idée reste très intéressante et peut être une belle opportunité pour la grande île. Cela mettrait en œuvre une forme de complémentarité entre les deux îles peut être à développer sur bien d’autres sujets. Mais une réflexion publique semble être à poser sur la table : vendre ou non les terres malgaches ? Ne serait-il pas temps d’assouplir cette loi pour l’intérêt et le profit de tous, plutôt que pour les avantages camouflés de quelques privilégiés ?

 

*sauf erreur de frappe ou de calcul ; à titre indicatif.

 

 

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4 Comments

  1. Soso said:

    Il ne faut pas se leurrer: une coopération, une complémentarité, une alliance entre les 2 îles restent et resteront une illusion. Chaque île veut se démarquer et se faire le max de touristes. Et la logique impose que pour un même budget, le touriste débarquera dans un endroit plus beau, plus stable et avec beaucoup plus de sécurité.

    Conclusion: les Réunionnais prennent les Malgaches pour des imbéciles qu’ils peuvent acheter comme des petits pains. Ces Réunionnais veulent tout avoir: un paysage protégé, une belle route, des roches à moindre coût sans penser aux conséquences que vont encaisser ses soi-disants frères/soeurs malgaches. Il appartient à l’Etat malgache d’être strict, de protéger son peuple et ses biens, de refuser cette nouvelle forme de colonisation.

  2. Marie said:

    Mais pour qui il se prend ce Patrick GRONDIN !! Est-ce qu’il pense lui aux désagréments causés aux Malgaches et à la nature, ça a l’air d’être le cadet de ses soucis. Quant aux retombées économiques il faut vraiment utopiste pour croire qu’il y en aura pour le pays et le peuple…il ne faut pas sortir de St-Cyr pour deviner à qui cette opération va profiter et dans quelles poches l’argent va tomber : toujours les mêmes personnes de la République!!! Et évidemment les Malgaches n’ont pas leur mot à dire, à la Réunion il a suffi d’une pétition des riverains d’une commune pour arrêter le projet….

  3. Razafimila said:

    Après il faut arréter l’amalgame. Mamy Ravatomanga n’a rien a voir avec ce projet. C’est surement une tentative de destabilisation du régime HVM. Jamais le ministère des mines autorisera une telle opération pour Le groupe SODIAT. C’est surement une tentative du HVM pour pouvoir faire leur magouille et accuser les partisans du président Andry Rajoelina (comme d’habitude). Qui n’ai pas au courant que les barons du bois de rose ne sont autre que les conseillers de la présidence comme Mbola Rajoanah ou Eric Nazaraly. Ou meme le professionnel du détournement de fond public aux factures faramineuses Henry Rabary Njaka.

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