Armand Marozafy, coordinateur adjoint du réseau Lampogno et président du COSAP, a été condamné le 22 mai 2015 pour diffamation. Suite à une plainte déposée le 26 avril 2015, Armand est sous mandat de dépôt depuis le 29 avril, donc sous les verrous à la prison de Maroantsetra. Un procès a eu lieu le 22 mai. La condamnation est sévère : 6 mois de prisons ferme et 10 000 000 d’Ariary d’amende. Sa demande de liberté provisoire sera examinée mercredi 7 juillet.
DERNIÈRE MINUTE : Jeudi 7 juillet 2015, 11h00 : la demande de mise en liberté provisoire de Armand Marozafy à été refusée.
Armand Marozafy : condamné pour mail détourné.
Pour illustrer cet article, nous plagions volontairement le « Je suis Charlie » qui a fait le tour du monde en janvier 2015. Oui, maintenant, tout le monde y va de son « Je suis… « … quelque chose, à propos de toute cause. Ce n’est donc pas bien original au premier degré. Mais le parallèle est intéressant, puisqu’il est question de liberté d’expression et d’une personne durement condamnée : Armand Marozafy.
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À la base, une bien étrange affaire. Armand est un guide touristique de 49 ans, marié et père de 3 enfants. 20 ans de métier à partager sa passion avec des milliers de visiteurs et ce plaisir toujours renouvelé à émerveiller tout un chacun devant la beauté de la faune et flore unique de Madagascar. Militant, il le devient en se mettant au service de diverses ONG pour la sauvegarde de cet environnement naturel exceptionnel.
Pendant qu’il voit les touristes se faire de plus en plus rare depuis la crise de 2009, il constate comme tous, une déforestation en masse à l’assaut d’arbres recherchés : les fameux Bois de Rose. Comme beaucoup, cette contrebande quasi-officialisée l’inquiète. Dans le cadre de sa mission, il rédige un mail d’Armand adressé à deux partenaires techniques dans lequel sont mis en cause deux opérateurs locaux. Ce texte n’avait qu’une vocation interne.
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Personne ne s’explique pourquoi, mais un compte Facebook est ouvert sous le nom d’Éric Rakotomanga. Son avatar : un masque d’Anonymous très facilement trouvable sur le web. Un seul texte est alors publié sur ce compte le 14 février : une copie en anglais du mail d’Armand.
Notre guide-militant est incarcéré depuis déjà plus de deux mois pour diffamation publique simplement parce qu’un inconnu a publié un extrait d’un mail privé. D’après Clovis Razafimalala, coordonnateur de Lampogno et fidèle soutien d’Armand, cette inculpation semble souffrir de différents vices de procédure : « inculpation révélée seulement le jour de l’audience à 16h00 alors qu’il a été placé sous mandat de dépôt depuis le 29 avril » et le motif d’inculpation serait inapplicable puisqu’il ne s’agit pas de « voie publique », mais qu’il faudrait faire référence à une loi contre la cybercriminalité selon lui. Aucune preuve de sa culpabilité n’aurait été établie : personne ne sait qui a publié le texte sur Facebook, et aucun lien direct n’a pu être établi entre Armand et ce compte Éric Rakotomanga.
On se demande bien d’ailleurs au passage qu’est devenue cette loi contre la cybercriminalité, votée, mais … ??? suspendue ??… mystère.
La loi du plus fort.
On peut déjà s’étonner de la rapidité de la procédure quand on connaît les habituelles lenteurs et lourdeurs de la justice malgache. Le moins que l’on puisse dire est que l’affaire a été rondement menée : plainte le 26, en tôle le 29 !
Le texte met en cause deux puissants opérateurs malgaches de la région qui seraient impliqués dans le trafic de Bois de Rose. Trafic fructueux, puisque, toujours selon ce texte, au moins l’un deux serait devenu propriétaire d’un lodge (logde en bordure immédiate du parc Masoala où un proche d’une des deux parties travaillerait pour NMP (National Madagascar Parc) selon nos informateurs). Le propriétaire aurait engagé des travaux de construction ne respectant pas la loi toujours selon ce texte. Le 8 février 2015, un groupe de touristes aurait accosté sur la plage devant ce lodge pour se rendre au parc. Ils auraient été accueillis par des menaces et sommés de quitter les lieux.
Ces opérateurs n’appréciant pas ce texte les mettant en cause, ils ont déposé plainte. Le mauvais calcul est que, depuis, tout le monde en parle, alors qu’avant, ce n’était qu’un pauvre post Facebook comme il en existe des millions d’autres chaque seconde dans le monde. À noter d’ailleurs que notre copie d’écran de cette page Facebook a été faite le 22/05/2015 à 10:59. Que depuis, elle a été supprimée, alors qu’Armand est en prison.
On ne peut s’empêcher de crier à l’injustice au vu de cette affaire. Voilà plusieurs années que le trafic de Bois de Rose enrichi en millions d’Euros des personnalités sans scrupules et faisant fis des lois, quasiment aux yeux de tous. Et, à ce jour, aucune condamnation, des projets de loi repoussés, aucune arrestation. On se demande bien pourquoi : comment est-ce possible d’extraire des forêts, de transporter puis de charger sur des bateaux de telle quantité de bois, sans que personne ne puisse intervenir ? Il y a bien un laxisme consenti quelque part.
En contre partie, que le texte soit vrai ou pas, un simple guide est emprisonné pour un post sur un compte inconnu sur Facebook ! Voilà qui va conforter la rumeur publique qui pense que la justice n’est pas la même pour tout le monde. On peut aussi se poser la question de l’évaluation des faits dénoncés dans ce texte. Y-a-t-il eu une enquête pour savoir si les accusations portées dans ce post sont fondées ?
Les lanceurs d’alerte une fois de plus à l’index.
Armand Marozafy – Julian Assange, même combat ? La diffamation n’est pas une bonne chose. Elle peut mettre en cause des personnes et leur être fortement préjudiciable. L’injustice est traumatisante quand la personne mise en cause est innocente. Cela doit être condamné. Le problème est donc bien de déterminer s’il y a bien innocence. Non, ce n’est pas bien, au nom du secret défense, qu’on dénonce des militaires américains ayant tué des civils en Irak. Mais quand on en apporte la preuve, qui est le méchant ? Celui qui tue ou celui qui informe ? Vaste débat, mais qui rejoint une cause juste, celle de la légalisation des lanceurs d’alerte. Ils doivent être protégés, car ils sont au service de la démocratie. Les mettre en cause, c’est aussi mettre en cause la presse et l’expression du 4è pouvoir.
Bien entendu, il ne s’agit de tout dire et n’importe quoi. Mais si ce qui est dit est vrai, le lanceur d’alerte doit être remercié. Les coupables, en prison. Et non l’inverse.
Le monde se mobilise.
De nombreux soutiens se mobilisent. Des articles sont déjà parus dans moov.mg, La Vérité, Nation, Tribune à Madagascar ou Good Planet pour l’international. Cette mobilisation ne semble que commencer. Ci dessous une vidéo publiée par l’association Free Forest Madagascar sur Dailymotion. Y apparaissent notamment des personnalités comme Isabelle Autissier (WWF France), Françis Hallé, Thierry Lhermitte, Yann Arthus-Bertrand ou encore le réalisateur allemand Alexander Von Bismarck. Ils dénoncent l’exploitation des espaces protégés pourtant déclarés Patrimoine Mondial par l’Unesco. Ils demandent la libération d’Armand Marozafy et la protection de tous les militants engagés dans la préservation de la forêt.
Vidéo à voir et à partager. Merci.
videofreeforestmada1 par freeforestmadagascar
Au dernière nouvelle Armand est fatigué mais garde espoir grâce à une poignée d’amis. Soutenez l’action de Free Forest et ne laissons par Armand et Augustin Soravy (menacé de mort) pour seules victimes de notre honteuse verrue dans le pied : l’exploitation illicite du Bois de Rose à Madagascar.
Sao mba tokony hisangana iany ireo mponina any an-toerana amin’izany zavatra tsy mety izany e ! Na dia hanontany hevitra fotsiny ary aloha. Mahereza hatrany ireo voatsindry amin’ny tsy rariny fa mbola hiova io de ho hita eo e! Courage