La fatalité ferait-elle place à un vent de grogne à Madagascar ? Les diverses intempéries des derniers mois sont révélatrices de nos faiblesses et nous mettent cruellement face à un miroir. Nous y voyons notre image et notre gestion politique bien triste de notre pays. Et ça fait mal. Le SeFaFi se fait l’échos de cette rage montante. Son dernier communiqué n’y va pas de main morte.
L’eau qui fait déborder le vase.
Le communiqué commence par une phrase claire : « la situation du pays est des plus critique ». Cette phrase n’est pas anodine. Elle a dû être pesée et repesée. Elle donne la tonalité du reste du communiqué, lancée comme un cri d’alarme, empreint de révolte.
Le SeFafi rappelle le triste bilan officiel du BNGRC du 5 mars dernier : « 25 morts et de 88.253 sinistrés dont 39.122 déplacés ; le 3 mars, on comptait 581 habitations détruites, 1.598 habitations et 6.339 hectares de rizières inondés. » Il évoque l’état pitoyable des rues de la capitale. Pas 25 mètres dans un trou. On n’a jamais vu cela depuis plus de quinze ans ! Tana est un véritable gruyère routier. Les autorités ont réagi tardivement pour essayer de remettre en état les routes. Mais les dégâts sont tels que, quand on rebouche quelques nids d’autruche d’un côté, des abîmes se creusent de l’autre. Sortez de Tana, vous constaterez que le problème s’étend à nos routes nationales. Les villes de province ne sont pas épargnées.
Ruptures de digue, effondrements, glissements de terrain… et pendant ce temps… ce mauvais temps… la pluie contenue de tomber chaque jour. Cela fait plusieurs mois que l’on n’a pas vus une vraie journée complète de soleil dans la capitale.
De l’eau dans l’gaz avec nos institutions.
Le SeFaFi souligne les « réactions tardives et brouillonnes » du BNGRC, et sa communication qui manque de clarté. Ça, c’est la moins qu’on puisse dire. Rien que le nom « BNGRC » est une horreur impossible à mémoriser correctement. Et qui ferait confiance à cet organisme mis au-devant de la scène par les évènements, mais qui ne semble pas animé par la cohésion et la transparence.
Toujours sur le thème de la communication « exécutif est quasi-invisible ». Tout en soulignant les risques à venir : « le prix des denrées alimentaires et des produits de première nécessité atteint des sommets, ce qui ne peut qu’empirer pour les légumes et pour le riz, des centaines d’hectares de champs et de rizières étant inondés. » Bien sûr. Gérer l’urgence en bouchant quelques trous sur les routes, c’est une chose ; distribuer des sacs de riz et des tentes en est une autre. Mais gare aux lendemains. Tout ne va pas s’arranger dès les premiers rayons de soleil revenus. La récolte de riz ne sera pas bonne. Les cultures maraîchères en ont pris un coup. La réaction aux dégâts fait sortir des fonds d’urgence de caisse déjà vide. C’est autant de moins au service de développement.
Mais le SeFaFi met en garde et rappelle les responsabilités de chacun : « Il serait trop facile pour les dirigeants de s’en exonérer sous le prétexte fallacieux de « pluies exceptionnellement abondantes » ou de constructions illicites. » Oui, messieurs les dirigeants, tout le monde est victime des catastrophes et elles demeurent imprévisibles. Vous ne pouvez pas non plus être tenue responsable de longues années de mauvaise gestion et d’absence de vision politique cohérente. On rappèlera tout de même que nos politiques actuels ne sont pas née de la dernière pluie. Ils étaient tous dans les arcanes du pouvoir à un moment ou à un autre. Alors, pourquoi n’ont-ils rien fait ? Pourquoi le grand chantier de l’assainissement de la capitale n’a jamais été fait. Des années que l’on a ces problèmes d’ordures… des années que l’on a aux mêmes endroits, les mêmes problèmes d’inondation, etc.
Dans la ligne de mire de la SeFaFi.
Et le SeFaFi ne fait pas dans la dentelle. Courageux, ils pointent les responsabilités : « Les agents de la CUA », ceux de l' »APIPA », « les entreprises qui remblais en cachette », « les maires et pds qui se sont succédés à la tête de la capitale ». Et bien sûr « les autorités supérieures » de l’état présentées comme complices.
Ils s’insistent à juste titre : « ce sont les plus pauvres qui paient le prix fort de cette négligence collective. » À l’approche des élections communales, le SeFaFi demande que les candidats s’engagent sur un programme d’urbanisation clair, et demande qu’un texte réglementaire soit voté pour les y obliger. Seul hic à cette belle initiative : cela risque de faire comme les déclarations de patrimoine. Pour bon nombre, on les attend toujours, et les sanctions se font attendre. Sans compter que ces dernières ne sont même pas publiées.
Un SeFaFi réaliste : pour que l’on arrête de s’apitoyer sur notre sort.
Il faut « cesser de manipuler les opinions nationale et internationale »… et arrêter de »se moquer de la générosité des pourvoyeurs d’aide (qui ne sont pas dupes) et des citoyens (qui finissent par se lasser). » Et oui ! Ce n’est pas en criant sur le premier coup de vent pour demander de l’aide aux institutions internationales que l’on va s’en sortir. Surtout quand, par ailleurs, on a de cesse de critiquer ces mêmes institutions qui feraient de l’ingérence et au nom de la souveraineté nationale, dès qu’elles osent s’inquiéter sur l’utilisation de ces fonds.
Le SeFaFi demande de dépolitiser le BNGRC – notre de l’auteur : « à chaque que fois ‘il faut écrire cette abréviation, je suis obligé d’aller vérifier dans quel ordre sont les lettres :) » – avec pour ligne de mire l’actuel patron de cet organisme nommé à la veille de la saison cyclonique.
Le SeFafi nous rappelle que l’on est membre de la SADC. Vous vous souvenez, cette fameuse SADC si prompt à vouloir nous donner des leçons de droit. Où est-elle ? Que fait-elle ? Le SeFafi rappelle que la Tanzanie a été aussi durement touchée par des inondations. « cet organisme régional, prompt à sanctionner, ne devrait-il pas aussi faire preuve de solidarité ? » !!!! Et l’on pourrait mettre l’Union Africaine dans le même bain.