Le cadre du Salon des Industriels de Madagascar 2014 inspire forcément des réflexions sur le sens du produire malgache, son état et sa position face au monde économique. Un constat unanime : on est mal. Mal pour nos compétences, mal pour nos emplois, mal pour l’avenir du pays et donc celui de nos enfants.
Batman veut sauver Gotham City.
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Écoutez l’intervention d’Erick Rajaonary, PDG de Guanomad :
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C’est à l’initiative d’Erick Rajaonary, PdG de Guanomad, et avec le concours du professeur Jacques Rakotoson, qu’à eu lieu cette présentation d’une belle idée : créer un label Vita Malagasy ou Vita Gasy. À la base de la réflexion, le triste état du Made in Madagascar et de la production locale. En cause : le choix du commerce et notamment import, plutôt que de la production locale.« On tue notre marché local et l’importation profite aux traders » dit le PdG de Guanomad. Le déficit de professionnalisme. On reprendra à ce propos l’exemple le Pr Jacques Rakotoson : nous avons les ingénieurs, les techniciens malgaches pour construire des routes, mais, quand c’est « vita gasy« , la route neuve construite ne tient de pas plus de deux jours ! C’est par manque de professionnalisme, selon lui. Langage soutenu également sous une autre manière par Erick Rajaonary « on dit souvent qu’on doit consommer malgache, mais malheureusement il n’y a pas la qualité, pas le service ».
Le constat est dur, mais il doit refléter une urgence : si on ne fait rien pour produire, Madagascar finira comme un peuple de mendiant. Un peuple pris en tenaille entre des importations pour survivre et des demandes de financement pour acheter les importations. Personnes ne peut souhaiter cela pour nos enfants. Prenons-nous en mains.
Vita gasy : label et le clochard.
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Écoutez l’intervention du professeur Jacques Rakotoson :
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Chacun le sait, le vita gasy n’a pas la côte. On nous parle d’artisanat… mais sincèrement, l’artisanat n’intéresse réellement que les touristes. Faut être honnête, pour nous, cela ressemble bien souvent à des babioles pas très sexy. Nos experts de citer l’agriculture avec de 18 000 hectares à 36 000 hectares (selon l’expert) de terre arable, mais on nous rappelle le triste cas de la culture du riz dite SRI. Ce Système de Riziculture Intensive, inventé à Antsirabe par le Jésuite et ingénieur agronome, Henri De Laulanié, qui fait aujourd’hui école dans le monde, et qui est toujours non appliqué (ou presque) sur notre territoire, au point que l’on est obligé d’importer des tonnes de riz chaque année pour satisfaire nos besoins, plutôt que d’en exporter. Chacun de préférer un joli savon venu d’Indonésie dans son packaging rutilant, plutôt qu’un savon locale parfois plus cher à l’achat en plus. Oui, on a bien, dans certaines plantations, un des meilleurs cacao du monde, mais on est de bien piètre chocolatier.
L’idée de génie est d’en faire un label Vita Gasy. Un label officiel qui répondrait à des contraintes de qualité afin que les producteurs améliorent leurs process, et que les consommateurs retrouvent l’envie et la fierté de consommer malgache. Aujourd’hui, on dit Vita Gasy pour dire que c’est nul… Demain, on dira Vita Gasy avec l’envie de partager au monde le meilleur de nous-même. L’ambition demande l’appui du gouvernement pour mettre en place une diplomatie économique, favoriser la vente de nos produits dans d’autres pays mais également l’installation d’usines de production ou d’antennes de commercialisation dans ces derniers. « Madagascar vers le monde », comme le dirait Dzama.
Oui, mais…
On est plus septique par contre, sur certaines idées entendues dans l’assemblée :
- À deux reprises la communauté karana a été ciblé comme étant « une communauté étrangère qui possède 90% de l’économie » et qui ne ferait que du commerce import, donc ruinerait Madagascar. Ce chiffre de 90% ne veut rien dire, n’est pas vérifiable et n’a aucun sens. Vouloir montrer du doigt une communauté quelle qu’elle soit, en la portant responsable de tous les maux, c’est purement et simplement du racisme. C’est condamnable. De plus, il faut rappeler que beaucoup des grandes familles karanas décriées investissent beaucoup dans le pays.
- Sur le même registre, il faut arrêter de sans cesse montrer du doigt ceux qui réussissent. Faisons au moins aussi bien qu’eux et regardons la poutre qu’on a dans l’œil plutôt que de voir la paille dans l’œil du voisin.
- Surtaxer l’importation sous prétexte de protectionnisme peut avoir du bon, mais à manager avec prudence, car, c’est encore les plus pauvres qui vont en sentir le contre coup : obligés de faire avec le mauvais savon, parce que le super savon au norme CEE est trop cher pour eux. Seuls les nantis pourront se l’acheter. Les moins favorisés ne pourront plus, de temps en temps, s’offrir du vrai beurre, parce que trop cher et ils devront se contenter d’une mauvaise margarine à haut risque pour leur santé. Surtaxer les importations va faire exploser le marché noir et la corruption. Donc le règne de l’informel qui ne rapporte rien aux caisses de l’état et donc contribue à un état sous subvention internationale. Ce qui est l’inverse de l’effet rechercher.
– être réaliste et arrêter de chanter à tout tête que Madagascar serait un pays béni des dieux, ou, comme le dis le professeur Rakotoson « universellement reconnu, les malgaches se situent dans le Top 10 en QI » !! Comment peut-on affirmer une chose pareille. On parle d’une race élue ? Non. Soyons sérieux. Il n’existe aucune étude ni aucun classement mondial des peuples selon leur QI présumé. Aucun. Comme il n’existe aucune nation qui serait, par défault, supérieure à une autre. Ce type de dérive est très dangereuse et contre-productive.
Fabriquer local dans de bonnes conditions.
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Écoutez l’intervention Mr Michel Domenichini, Conseillé spécial auprès de la primature :
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Oui et re-oui, il faut trouver des solutions pour favoriser la production locale, le Vita Malagasy, et un vita de malagasy de qualité. C’est vital pour le développement du pays. Oui et re-oui, Madagascar doit devenir une grande puissance agricole. Nous avons des milliers d’hectares qui ne sont pas exploités, pires, quand quelqu’un essaie de planter quelque chose dessus, le paysan du coin détruit les jeunes arbres par ce qu’il revendique le droit de faire brouter ses trois zébus au nom du droit du sol « mes ancêtres faisaient brouter les zébus ici ». Mais il faut le faire avec détermination, gérer une révolution des esprits et une sécurisation des investissements.
Trop de fois, nous avons entendu « monter une usine à Madagascar ? ah ! Trop d’ennuis ! Problèmes avec les employés, problèmes avec les représentants de l’état qui viennent te contrôler pour un rien juste pour te prendre de l’argent ! Trop de difficultés pour faire venir des machines et en assurer la maintenance. Alors que faire du commerce, c’est simple. Tu importes, tu vends… Tu gagnes ton bénéf« . C’est ce cercle-là qu’il faut briser avant de surtaxer les importations, ce qui d’ailleurs, pourrait aussi surtaxer les matériels ou intrants que nous avons besoin pour nous industrialiser ».