Attaquons l’année en soulevant un lièvre de mauvaise augure histoire de mettre l’ambiance directe sur le mode vigilance pour 2015. Les fêtes de fin d’année sont allées bon train et la cellule de communication de Iavoloha en a profité pour lancer avec une certaine fierté le nouveau site officiel de la présidence de Madagascar. Ce n’est pas que ce type de site officiel passionne les foules, mais nous sommes allez jeter un œil, et, quelle ne fut pas notre surprise : le site officiel de la présidence de Madagascar est un simple « thème » gratuit copié sur le web (ou sa version pro ? à 90 000 Ariary).
presidence.gov.mg un thème WordPress gratuit ?
Pour les novices, il est en fait de plus en plus rare de réaliser des sites entièrement en code comme il y a une dizaine d’années. Il existe plusieurs plateformes qui vous permettent de construire des sites web : vous copiez des sites tout faits, et vous changer les photos et les couleurs pour le personnaliser. Le principe du blog à grande échelle. Parmi ces plateformes, WordPress est la plus importante et la plus dynamique.
Bien évidemment, cette méthode simplissime vaut pour les amateurs et passionnés du web. Quand il faut faire des sites professionnels et efficaces, il est préférable d’adapter le code, ajouter des fonctionnalités avancées ou encore sécuriser le site, mais surtout utiliser des bases de templates ou thèmes « premium » donc payantes.
En conséquence, quand on a ouvert le nouveau site de la présidence et constater en moins d’une minute (après téléchargement du site LOL) qu’il s’agissait probablement d’un thème gratuit, nous sommes un peu tomber de haut.
Pour le vérifier, faîtes une manipulation très simple. Une fois la page d’accueil du site dans votre navigateur (Firefox, Explorer, Safari…), regarder le code source : dans Firefox, allez dans le menu Outils > Code Source de la page ou contrôle U. Dans l’en-tête de la page, s’affiche le code classique d’une site WordPress qui indique le thème utilisé : « …http://presidence.gov.mg/wp-content/themes/customizr/……« Voir sur la photo d’écran ci-dessous.
En l’occurrence donc, il s’agit du thème customizr. Une simple recherche dans Google « Thème WordPress Customizr », nous conduit directement à la page où se trouve se thème :
Lien vers la page Worpress.org pour télécharger le site gratuitement : il vous suffit d’un simple clique sur Download Version 3.2.10. En cliquant que le bouton Preview, vous verrez la démo du site telle qu’on peut l’installer rapidement avec le thème téléchargé. Il vous restera ensuite à changer les couleurs et les photos.
On peut acheter une version pro ici : http://themesandco.com/extension/customizr-pro/.
Elle coûte 34,95 $ pour une licence pour un site. Soit environ 90 000 Ariary. Mais, à ce stade, rien ne nous permet d’affirmer qu’il s’agit d’une version pro.
Une conception faiblarde pour une institution si prestigieuse.
Loin de nous de critiquer se fait ou de soupçonner que des sociétés auraient sur-facturées une conception si basique à un prix exorbitant, façon le site de la fondation Carla Bruni en France, facturé 500 000 Euros à l’Élysée dirigée alors par Nicolas Sarkozy son mari. Quoique nous serions heureux d’un peu plus de transparence dans les comptes de l’état, pour une meilleure démocratie.
Le propos est plus de s’étonner de la faiblesse du site. En effet, si WordPress est une plateforme très performante et active, étant la plus populaire, elle est aussi la plus attaquée par les hackers. Pour eux, c’est un jeu d’enfant que de rentrer dans l’admin d’un site WordPress et d’en faire ce que bon leur semble. Il faut donc être un expert très vigilant pour protéger les sites de ce type, tant au niveau du serveur, que du site lui-même. Si, pour une petite entreprise locale, cela n’a guère d’importance, car il y aurait bien peu d’intérêt à hacker son site, pour le site de la présidence d’un pays, la chose paraît un peu légère. Surtout qu’après inspection du code, aucune extension de protection ne semble avoir été mise en place.
Le site de la présidence, en l’état actuel, risque très rapidement une attaque de spam boombing, et ouvre la porte à n’importe quel petit défi de hacker ayant envie de faire muse-muse avec l’image du chef de l’État.
En choisissant des thèmes premium (de 55 à 250 Euros environ), et quelques extensions bien connues, le site serait au moins en partie protégé de ce type de risque. Il en va, ne l’oublions pas, de l’image de Madagascar dans le monde.
Encore un site culte… de la personnalité.
Et bien oui, c’est reparti comme en 14 (comme dit l‘expression française). On change de président, donc on change de site. Et ce dernier fait comme les autres : il est dédié au culte de la personnalité du président en exercice. Hery par ci… Hery par là… jusque là, cela pourrait paraître normal, mais aucun texte des institutions malgaches, quid de le Constitution, rien sur l’Histoire de Madagascar et celle des différents présidents qui ont occupé le poste… Même pas une brève présentation du pays agrémenter de quelques chiffres actuels. Du Hery, et rien que du Hery ou presque. Si ce n’est la possibilité d’écouter ou de télécharger l’hymne national malgache.
On notera toutefois, un espace Média sur lequel on peut voir quelques vidéos issues de la page Youtube et quelques photos choisies. Il n’est pas dit si on peut les utiliser librement. En principe oui, puisqu’elles sont payées avec les deniers des contribuables, certaines fournies par des institutions comme la Francophonie, mais rien de l’indique.
Un bon point pour les communiqués de presse en ligne et les comptes-rendus officiels des conseils des ministres. On regrettera de ne pouvoir s’y abonner pour être informé par mail de chaque nouvelle parution. Idem pour les « Discours et déclarations ». Une bonne initiative, mais qui semble déjà prendre du retard. Seulement deux sont en ligne.
– « Nous écrire » : un simple code d’ouverture d’un mail… Mais sans adresse. On est peu pressé de recevoir des mails des visiteurs apparemment. Pas de véritable envie de communiquer donc.
– Quelques liens vers d’autres institutions, dont celui de l’Assemblée nationale qui ne fonctionne pas à ce jour.
Et évidemment cette éternelle fatalité de site très lourd et donc long (voir impossible) à ouvrir dans nos navigateurs qui est une constante de tous nos sites institutionnels, une sorte de marque de fabrique endémique. On a toujours l’impression qu’il y a obligation de politesse de faire un site internet, mais, surtout, que le moins de monde possible puissent y avoir accès.
Et le rôle de la première dame dans tout ça ?
Si l’on en croit le site, elle est en pôle position. À peine derrière son mari. Un onglet spécial lui est consacré dans le menu principal ! Mais quel est le statut de la première dame à Madagascar ? Elle a un poste ? Un budget lui est alloué ? Elle bénéficie de quelles prérogatives ? Elle a des responsabilités particulières dans l’état ? Elles bénéficient de pouvoir particulier ? … Nous n’avons pas connaissance de textes officiels définissant avec clarté l’ensemble de ces questions. Hors, quand un peuple élie un président, (ou une présidente) c’est une personne qu’il porte aux plus hautes fonctions, pas son ou sa conjointe, qui, de fait, est une citoyenne particulière, mais ordinaire.
On notera que sur les sites des présidences de France, d’Italie ou d’Espagne… ou encore celui du 10 Downing Street à Londres, il n’est question de la première dame. Sur le site de la présidence d’Allemagne, un simple CV formel présente l’épouse du président. l‘exception est celle des États-Unis : la First Lady Michelle Obama bénéficie d’une ligne de sous-menu dans le cadre de la présentation de l’administration de la Maison Blanche. Mais rappelons qu’aux USA, la première dame a un statut et un budget officiel, avec des obligations apolitiques.
Bien entendu, nous n’avons rien contre Madame Voahangy RAJAONARIMAMPIANINA. Mais il nous semble que, dans le cadre de la mise en place d’une démocratie durable, une réflexion sur le statut (ou pas) de la première dame est nécessaire. Il en va de même de la publication des comptes de la présidence, comme de toute instituions officielles de l’état.
Tout cela par d’une bonne intention. Nous constatons avec bonheur la meilleure utilisation des réseaux sociaux, même si cela reste timide. Cependant, nous empruntons le rôle de donneur l’alerte, car il n’y a pas signe de rupture avec les précédents présidents, y compris celui de la transition, qui, en terme d’image, ont pris du plomb dans l’aile à vouloir croire que Madagascar se résumait à leur seule personne. Une réconciliation nationale ne peut être un jeu d’accord et de signature entre des personnalités qui se sont détruits mutuellement entrainant le peuple dans leur mégalomanie, et qui souhaiterait se partager un gâteau. Elle doit être la volonté d’une nation unie autour de ses valeurs et de la volonté ferme de ne pas recommencer les erreurs du passé.
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