Va-Waka : « canoë à balancier » austronésien qui a donné en malgache le mot vahoaka-le « peuple », du proto-austronésien *va-waka – « peuple des canoës »/ »peuple de la mer ».
Le mystère de l’origine du nom Madagascar.
Nous sommes bien fier de notre pays, de notre île, et c’est une bonne chose, tant que l’on ne frise pas avec la tentation nationaliste. Notre amour du pays tient en son nom : Madagascar. Mais que connait-on réellement de l’origine du mot Madagascar.
Le Livre des Merveilles : la première trace écrite connue.
Aussi appelé le « Devisement du monde » ou « Il Millione », est un récit dicté par le marchand vénitien Marco Polo en 1298, alors qu’il est en prison, arrêté par les Génois. Son compagnon de cellule, Rustichello de Pise rédigera en français ce récit de voyage, en faisant du même coup, un des premiers bestsellers de l’histoire de la littérature, et le premier ouvrage écrit dans une langue usuelle, pas en latin ou en grecque comme de coutume en occident à l’époque.
« Madaigascar » fait déjà figure d’une île idéalisée, un mythe, uniquement suggérée par quelques rares marins ou marchands du 13e siècle. Elle était positionnée en bas de l’Afrique, mais plus au centre de l’Océan Indien, et bizarrement avant Zanzibar.
Terre de mille fantasmes, Marco Polo y décrit une des îles les plus riches du monde avec plus d’éléphants que partout ailleurs, faisant le trafique d’ivoire avec Zanzibar et dont les habitants mangent de la viande de chameau et seraient principalement « mahométans« , adepte de la religion de Mahomet.
Si au premier abord, la description semble fantaisiste, des détails troublants de précisions peuvent donner de la crédibilité à l’évocation de Marco Polo. D’abord, on vient de le voir, il prétend que les habitants sont « mahométans« . Hors, nous savons qu’à l’époque, le commerce avec le Grande Île et toute relation avec l’extérieur, était fait par l’intermédiaire d’Arabes établis sur les comptoirs des îles alentours. Pour faire simple, les petites îles autour du nord-est, nord ouest de Madagascar était habitées par ces marchands Arabes qui géraient le troc, principalement avec les Sakalavas. Nous leur devons donc d’ailleurs, le Sorabe, l’écriture « malgache » historique, directement issue de l’arabe. Petite parenthèse à ce propos, les Îles Éparses qui font l’objet de tant de controverses, avaient toutes les chances d’être connues et maîtrisées par eux, mais inconnu des peuples de Madagascar, qui n’étaient pas navigateurs en ces temps reculés (sauf peut être celle proche de Morondava probablement connue de certains pêcheurs Sakalava Menabe). Quoi qu’ils en soient, tous bateaux de commerce qui s’approchaient des côtes nord de notre île, était obligé d’entrer en contact avec ces marchands Arabes ; tout commerce ne pouvait se faire que par eux.
Avec « quatre mille milles de tour » – un mille marin valant 1852 mètres – on voit qu’ils avaient une idée assez précise des dimensions de notre île, en comparaison de nos 4828 kilomètres de côtes. « Des lions, des léopards, des cerfs et des daims… » Tout cela nous semble plutôt d’un Madagascar rêvé, que d’une réalité vécue. Nous y reconnaissons par contre l’oiseau ruc qui n’est pas sans rappeler notre Aepyomis, oiseau de la famille des autruches de plus de 500 kilos. Étienne de Flacourt dans son « Histoire de la grande isle de Madagascar » en 1658 semble attesté de la présence de cet oiseau au XVIIe siècle ! Quelle est donc la part du vrai dans ce merveilleux récits du livre III de Marco Polo ? À vous d’en juger dans l’extrait ci-dessous.
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Marco Polo, le Livre des Merveilles, XVe siècle, l’île de Madagascar. © Éditions Facsimilé, Lucerne.
CHAPITRE XXXIX
De la grande île de Madaigascar.
Après avoir quitté l’île de Scoira et naviguant du côté du midi pendant mille milles, on vient à Madaigascar (Madagascar), qui est mise au nombre des plus riches îles du monde. On dit qu’elle contient quatre mille milles de tour ; les habitants sont mahométans. Ils n’ont point de roi, mais ils sont gouvernés par quatre des plus anciens. Cette île produit beaucoup plus d’éléphants qu’aucun pays du monde. Il y a une île nommée Zanzibar qui fait un grand trafic d’ivoire, car en tout le monde je ne pense pas qu’il y ait une si grande quantité d’éléphants que dans ces deux îles. On ne mange point dans cette île d’autre viande que celle de chameau, laquelle chair est fort saine aux habitants ; il y a une multitude presque infinie de ces animaux dans cette île. Il y a outre cela dans cette île des forêts de sandals et de bon rouge, dont on fait plusieurs ouvrages. On prend aussi dans la mer de grandes baleines, d’où l’on tire de l’ambre. Il y a des lions, des léopards, des cerfs, des daims, des chevreuils et plusieurs autres sortes d’animaux et d’oiseaux propres à la chasse. Enfin on y trouve diverses espèces d’oiseaux dont on n’a jamais entendu parler chez nous. Plusieurs marchands viennent en cette île à la faveur du flux de la mer. Car on peut venir en vingt jours de la province de Maabar à cette île de Madaigascar avec le flux de la mer ; mais on a de la peine à en sortir ; et il faut quelquefois trois mois pour surmonter les difficultés de ce flux, parce que la mer porte toujours vers le midi avec beaucoup d’impétuosité [25].
CHAPITRE XL
D’un très grand oiseau nommé ruc.
Il y a encore d’autres îles par delà Madaigascar ; mais l’accès en est très difficile à cause de l’impétuosité de la mer. Il paraît dans ces îles, en un certain temps de l’année, une espèce d’oiseau fort surprenant, nommé ruc [26], ayant la figure d’un aigle, mais d’une grandeur extraordinaire. Ceux qui ont vu de ces oiseaux disent que la plupart de leurs plumes sont de dix pas de long, qu’elles sont grosses à proportion et que tout leur corps répond à cela. Cet oiseau est si fort qu’il prend sans aucun secours que de ses propres forces un gros éléphant et l’élève en haut, puis le laisse tomber pour en faire sa pâture. Moi, Marco, ayant entendu parler de cet oiseau, je pensais que c’était un griffon, qui est un animal à quatre pieds, quoiqu’il ait des plumes. Il est en tout semblable au lion, si ce n’est qu’il a la mine d’un aigle ; mais ceux qui avaient vu de ces rucs assuraient constamment qu’ils n’avaient rien de commun avec tous les autres animaux, et qu’ils n’avaient que deux pieds comme les autres oiseaux. De mon temps, l’empereur Koubilaï avait un certain courrier qui avait été détenu prisonnier dans ces îles, et qui, ayant été relâché, raconta à son retour des choses surprenantes de ces pays-là et des diverses sortes d’animaux que l’on y trouve.
Le Globe de Behaim : Madagascar au dessus de Zanzibar !
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Autre merveille du monde et de la culture : le globe de Martin Behaim ou Martinus de Bohemia, cosmographe allemand né à Nuremberg en 1430, qui réalisa le premier globe terrestre connu à ce jour, et en tout cas, le plus complet compte tenu des connaissances scientifiques en 1492. Pour l’anecdote, ce globe ne comporte pas l’Amérique, conformément à la connaissance de l’époque. Pourtant en fin 1492 (dans le même temps), Christophe Colomb accoste dans les Caraïbes et ne sera de retour en Europe qu’en mars 1493.
Si Martin Behaim a été un grand voyageur, il n’est jamais venu du côté de Madagascar. Le plus simplement du monde, il s’est directement inspiré de livre de Marco Polo pour positionner et parler de la Grande île.
Sur ce globe, Madagascar est situé au dessus de Zanzibar. Ceci n’est pas forcément une grossière erreur. Il se peut que le nom de Madagascar était donné à une autre île au dessus de l’actuel Zanzibar… ou aussi, qu’ils pensaient qu’en dessous de Madagascar, il y avait une autre île.
Madagascar a failli perdre son nom.
On considère que le premier européen à aborder notre île, serait le marin Portugais Diego Diaz (Diogo Dias) dont le nom est resté à la ville de Diego Suarez. Il participait à une grande expédition, mais, en raison d’une forte tempête, son bateau se sépara de la flotte de Pedro Alvarez Cabral en mai 1500 au niveau du cap de Bonne Espérance. Son bateau explora donc l’Océan Indien. Il fut le premier européen à découvrir l’île de La Réunion et de Maurice en juillet 1500. C’est le 10 août 1500 qu’il aperçoit Madagascar. C’est le jour de la Saint-Laurent et l’appelle donc : île Saint Laurent (São Lourenço). L’île gardera le double nom jusqu’au milieu du 18e siècle au moins : des cartes ou de livres portent l’intitulé « Isle de Madagascar autrement Isle de Saint-Laurent ».
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Le mystère reste donc ouvert.
Dans « comptes-rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (Année 1891,Volume,35 par Grandidier), il est consigné : « M. Grandidier, de l’Académie des sciences, lit une note sur l’origine du nom de Madagascar; car, quoi qu’on en ait dit, ce nom n’est pas celui sous lequel les indigènes désignent leur île. Marco Polo a décrit sous le nom de Madagascar le pays de Magdocbo, situé sur la côte est de l’Afrique, un peu au nord de l’équateur ; Martin Behaim, interprétant à faux le récit de ce célèbre voyageur, mit au hasard une grande île (imaginaire), sous ce nom de Madagascar, sur son célèbre globe (1492). Quand, en 1 5oo, les Portugais découvrirent L’île Saint-Laurent (notre Madagascar actuel), les géographes du commencement du XVIe siècle marquèrent cette île, tout en laissant celle de Martin Behaim au beau milieu de l’Océan. Plus tard, on constata que celte dernière n’existait pas où on la mettait, et Oronce Fine, en 1531, fondit ces deux îles en une seule sous le nom de « Madagascar ou Saint-Laurent ». C’est donc à Oronce Fine qu’on doit la dénomination fautive sous laquelle l’île de Madagascar est aujourd’hui connue. «
Certains ont vu une simple confusion entre l’actuelle Mogadicio et le nom Madagascar. Rien n’est moins sûr. Le plus intriguant serait de savoir, comment ces « indigènes » (comme dit dans l’article de Grandider) appelaient leur île. Si seulement, elle a avait un nom commun à tous d’ailleurs.
Une hypothèse difficilement vérifiable considère que les Arabes appelaient ces îles de l’Océan Indien « Gezirat-Al-Komor« , l’île au Lune. Le nom serait resté pour les Comores. Le mot Madagascar serait issu du mot Malagasy, utilisé par les Malgaches pour se nommer. Rien n’est moins sûr, car, cette hypothèse supposerait qu’un explorateur occidental serait allé rencontrer des Malgaches et aurait discuté avec eux, comprenant qu’ils appelaient des « Malagasy« . Mais alors, quel Malagasy ? Des Sakalavas ? des Betsimsarakas ?? … ?? peut de chance que ces ethnies les plus proches des arabes se nommaient les « malagasy ». En conséquence, serait-il parti à l’exploration des hautes terres où il aurait rencontrer les ancêtres des Imerinas ?? Un villageois lui aurait fait comprendre qu’ils s’appelaient « malagasy » ???? Cette hypothèse ne semble pas tenir.
Malagasy vs Malgache : origine du mot malgache.
Avant les années 1800, on disait aussi « Madécasse » pour nommer les habitants de Madagascar. En 1769, on dit aussi « malégache » en français, par francisation du mot « malagasy« . Mais en 1722 ou encore en 1752, on trouve des appellations françaises comme Madagascarois ou Madagascarinois.
Une rumeur voudrait que le nom « malgache » serait le nom donné aux « Malagasy » par les colons français faisant allusion à leur maladresse supposée, traduite par « mal gache » ou mauvais travail. Les colons français n’arrivent qu’après 1896 sous la gouvernance de Galliéni. Le nom « malégache » datant d’au moins un siècle avant, aucun lien n’est avéré.
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À noter d’ailleurs qu’avant le 18e siècle, le mot « gashe« en ancien français, ou gaspia en francique, désignait une boucle. Le verbe « gâcher » a pour sens originel « laver dans l’eau ou délayer ». Il était surtout utilisé en maçonnerie pour « gâcher du plâtre » ou du mortier. Le délayer avec de l’eau.
En français, le sens figuré, « faire mal un ouvrage » ou le faire grossièrement, négligemment, n’est apparût qu’en 1808. Soit plus de cinquante ans après la trace du mot « malégache ». Pour le sens « manquer son ouvrage », il vient probablement du fait que du plâtre ou du mortier gâché ne peuvent pas être réutilisés après avoir durci. Une autre hypothèse linguistique parle de terme allemand et néerlandais (washen) issu du gallo-romain, avec le sens très général de « passer à l’eau, laver sommairement », d’où la signification « laver du linge » en particulier dans les dialecte du Nord (Flandre éwaquer « tremper une première fois du linge à lessiver dans l’eau », « tremper le linge dans l’eau sans le laver complètement »).
« Malgache » ou « Malagasy » dans le monde.
Les académiciens français ne sont pas les seuls à adapter à leur langue et phonétique le mot malagasy. En Catalan : Malgaix, se prononce « malgaich » ; en italien : Malgascio, se prononce « malgacho » ; En suédois Madagassiskt ; En portugais « malgaxe », qui se prononce « malgachi » ; En espagnol Malgache qui se prononce « malratche », ces deux derniers n’étant pas colonisateur de Madagascar mais grands navigateurs « co-découvreurs » ; en polonais : malgaski etc. Penserait-on un instant que les Polonais pensent que les Malgaches font mal du ski ? Nous noterons que les langues d’origines latines ont toutes la terminaison sonores « …gach’ « , sans que la notion du terme français « gâcher » y soit associer, puisque dans leur langue se terme se traduit autrement. Confère pour jeux, La croyance qui voudrait que l’appellation « malgache » est typiquement française et n’existe qu’en France, le reste du monde ne disant que « malagasy », est fausse.
En Italien la ville de Paris se dit bien Parigi, et les français réputés si fier de leur culture, ne pense pas une seconde que c’est un terme péjoratif voulant dire « papa rigide » pour parler de leur capitale. Qu’ensuite, il y ait des rigolos ou des malvaillants (selon le point de vue) qui fassent de mauvais jeux de mots, c’est une autre chose.
Tenons-nous donc au simple fait que, dans la langue malgache, on dit « malagasy« et que, dans la langue française, on dit « malgache », issu de malégache une francisation du mot « malagasy », comme Tananarive est une francisation phonétique du mot Antananarivo : en malgache, on prononce ‘tan’nariv’.
On ne peut pas dire « les Malagasy habitent Madagascar » (en français) comme il semblerait peu à propose de dire, en malgache, « miteny malgache ». En anglais, on dit bien « chinese people » et non « Zhōngguó people ». D’ailleurs, pensez-vous que les Chinois se sentent insultés pensant que les Français les appellent « chinois » parce qu’ils « chient des noix » ?? Que les Bordelais ont honte de leur nom, car ils penseraient qu’ils sont « limite laids » ?? Sincèrement, il vaut mieux en rire qu’en faire un étendard mal à propos qui ne révèle qu’une chose : l’ignorance du porteur.
Créole réunionnais et prononciation originelle du malgache.
Une hypothèse intéressante et à suivre pour la francisation du mot « malagasy » en « malgache » proviendrait de la prononciation de la langue malgache à l’origine, lors de la venue des premiers explorateurs à Madagascar. En effet, autour de Fianarantsoa et des Betsileos en particulier, le « s » se prononce encore « sch ». Si à Tana, nous disons « misoatra » pour dire merci, à Fianar, la prononciation est plus proche de « michotr' » par exemple. Hors le Royaume de Madagascar avant la colonisation était surtout stabilisé sur les hauts plateaux.
On retrouve en langue créole réunionnaise le nom « malagachi », pour désigner les malgaches. Nous savons qu’une part des créoles de La Réunion sont des descendants d’esclaves malgaches. Des prisonniers soumis lors des guerres entre royaumes ethniques (les Imerinas contre les Betsimsarakas par exemple) qui étaient vendus aux Français de La Réunion pour la culture de la canne à sucre entre autre. On pourrait donc penser que le mot créole « malagachi » correspondrait la prononciation d’origine du mot orthographié « malagasy » de nos jours. Autrefois donc et selon cette hypothèse, avant la colonisation, la prononciation des « s » en langue imerina était probablement « sch ».
Nous pourrions donc supposer que les premiers explorateurs francophones ont bien entendu « malagashi », qu’ils ont francisé en « malgache ». Comme Antananarivo, prononcé » ‘tan’nariv’ (le an et le o étant presque inaudible) est devenu Tananarive. Dans cette hypothèse, le son « s » en malgache officiel moderne, pour la prononciation « malagasy » étant probablement dû à l’influence du français lors de la colonisation.