Les compteurs s’affolent dans la tambouille politique gaso-gasy. Le 30 décembre 2014, le Président nomme une ribambelle de Généraux. Le 13 janvier, il obtient enfin la démission de Roger Kolo. Le 14 à 11h30, le fringant jeune général de brigade Jean Ravelonarivo est nommé Premier Ministre. Problème : il semble plus issu d’une faculté de copinage que d’une volonté politique affirmée de faire avancer le pays. Rajelina cri au scandale.
Ravelonarivo : aurait-on décroché le pompon ?
En voilà un qui, à peine sur les rails, a bien du mal à s’imposer. Cet homme de l’ombre sorti tout droit d’un chapeau de magicien, n’attire pas les foules. Faut dire que, même en publiant son CV, la présidence a bien du mal à faire comprendre le choix. Aparatchik Ratsikakiste, dont on dit qu’il a été un des aides de camp, il fait l’École de vol d’aviation civile de Kirovograd en Ukraine (247 km de Kiev) alors sous le joug soviétique. Ce que le CV officiel appelle « École Supérieure de Pilotage de Kirovograd – URSS« . Une rumeur court qu’il serait un ancien de l’INSCAE. Selon le CV officiel, il serait diplôme de droit privé et de gestion à l’Université d’Antananarivo.
De 1985 à 1991, il devient pilote de transport de la Base Aéronavale d’Ivato. En 1997, on le retrouve au poste Chef de Bureau d’Escale, toujours la base aéronavale d’Ivato. Il monte en 1995 l’Entreprise JJ. C’est comme cela qu’en 1997, il devient Directeur Général de la SEIMAD. Il y restera jusqu’en octobre 2008… et toujours DG de l’entreprise JJ pendant ce temps. Du pur conflit d’intérêts ! Puisque l’Entreprise JJ « était à l’époque une entreprise individuelle de construction générale (BTP, Génie Civil, forage d’eau…) » (source site internet http://www.entreprise-jj.org). Pour rappel la SEIMAD est un organisme d’état chargé de promotion immobilière. Autrement dit, il avait tous les pouvoirs pour se commander les projets qu’ils souhaitaient, rien de moins.
Sur le même CV officiel diffusé par le site de la présidence, on nous apprend fièrement, qu’il était Administrateur de « Habitat & Francophonie » de 2000 à 2005. Cette ONG a été vu le jour en 1987 avec pour vocation l’immobilier (encore une fois) sous couvert de social dans le monde francophone. L’Assemblée Générale fondatrice du 3 décembre 1987 réunit des représentants d’environ 16 pays dont Madagascar. Et qui représente Madagascar ???… La SEIMAD. Autrement dit, notre actuel PM, avait la possibilité de s’auto-nommé dans une planque confortable.
Apparemment, le JJ est un spécialiste du cumul des mandats doublé d’un « suractif addict » puisqu’en 2004, il commence à Paris au Centre d’Études Diplomatique et Stratégiques (autrefois considéré par certain comme une officine de la Françafrique), un cycle de Relations Internationales Approfondies. Ce cycle se présente sous la forme de cours de soir deux fois par semaine et le samedi matin. « Monsieur Jean RAVELONARIVO a suivi le cycle de relations internationales approfondies, session 2004. Il a soutenu son mémoire en mars 2005 et notre centre lui a décerné la mention « TRES HONORABLE » (selon la réponse officielle du CEDS à notre demande « Avez-vous compter parmi vos étudiants Jean RAVELONARIVO qui aurait obtenu chez vous un Diplôme de Troisième Cycle en Relations Internationales avec Mention Très Honorable ?).
En 2010, il fonde le Groupe JJ et se diversifie dans l’import-export. En 2012, il revient en politique en tant que Conseiller Air du Chef de I’État Major Général de l’Armée Malgache. Attendu l’état de l’armée de l’air malgache, on imagine l’importance d’un « conseiller de l’air ». Sauf, peut être pour l’édition de NOTAM interdisant le retour de Ravalomanana. :)??!!
Bref, un professionnel du relationnel de l’ombre, d’ailleurs Rotarien dont il deviendra District Gouverner du 9220. Membre du Rotary International « AINGA » Antananarivo depuis 1999, la rumeur veut que ce soit là qu’il a connu Hery Rajoanarmapionina. On ne peut pas dire que son parcours en tant que chef d’entreprise soit particulièrement brillant au vu des résultats de la SEIMAD ou de l’Entreprise JJ. Il a été nommé Général après plus d’une dizaine d’années d’absence des casernes (les sources varient de 13 à 20 ans). Mais sa femme, est une des très proche de la Première Dame !
Un Général, même d’apparat, en tant que Premier Ministre, cela sent vraiment pas bon habituellement. Mais là, il semblerait qu’on tient le pompon. Un exemplaire de la crème de ce que nos arcanes politiques sont capables de faire de mieux. Un goût de retour vers le futur avec un bon en arrière de 15 ans. Nous ne sommes pas sûrs que ce profil soit des plus mobilisateur pour un renouveau et un nouvel élan du pays. Mais restons magnanime et souhaitons lui bonne chance.
Rajoelina prend le peuple pour témoin.
Autre souci, le fameux article 54 de la constitution. Roger Kolo, en place depuis huit mois, s’est proprement fait poussé dehors. À la base, nous ne sommes pas certains qu’on puisse juger de l’action d’un Premier ministre au bout de 8 mois, surtout en sortie de longue période de Transition. En tout logique, son gouvernement a à peine eu le temps de faire un état des lieux et lancés des projets qui devraient voir le jour l’année prochaine.
Un peu naïvement peut être, une coalition d’opposition a vu le jour derrière Andry Rajoelina pour disposer d’une majorité de député et proposer des premiers ministrables. Ils étaient tous présents au Carlton hier soir et c’est du lourd : Robinson, Hajo, Vital, Sarah… Bref, tout le top des présidentielles, excepté Roland Ratsiraka, sans doute occuper à préserver son poste.
Le Président a fait fis de leur liste et a nommé Jean Ravelonarivo, 56 ans, en moins de 24h00, pour éviter, semble-t-il, toute discussion.
Rajoelina frappe sur la table lors des réunions de réconciliations nationales avec les 4 autres présidents, et organise une grand-messe au Carlton à 19h00. La salle est bondée. Les médias sont au rendez-vous.
Après un bref rappel des diverses crises à Madagascar, Andry Rajoelina rappel de l’article. 54 :« Le PM nommé par le président et présenté par le parti ou groupe de partis majoritaire à l’Assemblée Nationale ». Andry demande le respect de l’article 54. « Ce n’est pas la personne qui est le problème, mais le respect du choix du peuple ».« C’est une trahison, le non-respect de la loi ». « Le respect de la constitution est quelque chose qui nous tient à cœur ». « Nous appelons le peuple malgache et la communauté internationale à être témoin.«
« Nous n’acceptons pas la nomination du premier ministre«
Le discours est vivement applaudi.
Tout ça pour ça.
On serait tenté de se ranger derrière la remarque de l’ex président de la Transition : alors, on a fait tout ça, pour en arriver là. Tout en faisant remarquer que l’auteur d’un coup d’État peut difficilement donner des leçons de droits. Des premiers ministres mal nommés, une interprétation de la constitution façon « comme ça m’arrange ». Une réconciliation nationale bien mal en point après un tel coup pas très « fair-play ». Le retour des vieux démons avec les hommes de Ratsiraka qui se redorent le blason, et Ravalomanana qui nous fait une come–back sur tapis rouge, genre « force tranquille » adoubé par Hery… Un nouveau gouvernement qui prendrait une couleur de transition bis…
Gardons un esprit positif. Tout homme peut tirer du positif de son expérience et a le droit à une seconde chance. Pour redresser le pays, l’union est préférable à la division et toutes les forces sont le bienvenue.