Dernière négociation en cours à Paris pour la Cop 21. Depuis le début, tout le monde y va de ses bonnes intentions. Les chefs d’État font mines de révoltes édulcorées sur le mode « je vais sauver la terre ». Au pays des bisounours, tout le monde est aux anges. On se demande bien pourquoi les négociations sont si longues et l’accord si dure à proclamer. Pour les « pays pauvres » comme on dit, la ritournelle est simple « c’est les pays riches qui polluent et c’est nous qui sommes les victimes : donnez-nous de l’argent ! ». Ouais. Hum.
Au pays des borgnes… tout le monde est borgne.
Et oui. Le propos n’est pas de contredire la vérité selon laquelle les pays développés, bien souvent donneurs de leçons, sont aussi les plus grands pollueurs. Il s’agirait plus d’examiner un autre point de vue : et si nous arrêtions de faire les mendiants. Et si nous nous prenions en main.
Dans les pays dit développés, comme la France en particulier, dès qu’un gouvernement à un problème, la solution politique est toujours la même : on va faire une taxe. Et c’est encore les contribuables qui payent. Dans les pays comme Madagascar, dès qu’il y a un souci, le réflexe est d’aller mendier des dollars aux grandes puissances ; les mêmes d’ailleurs que l’on ne manquera pas de fustiger ensuite, les accusant de tous nos maux.
Pour la sauvegarde de la planète, le constat est identique. On ne va pas à la Cop 21 pour proposer des solutions ou montrer nos réalisations. On y va pour ne pas être oublié dans la pluie de dollar qui devrait tomber du ciel dans les années à venir, pour que des puissants se donnent bonne conscience face à leurs opinions publiques.
Car enfin, que fait-on à Madagascar ?
- Les feux de brousse n’ont jamais été aussi nombreux et dévastateurs que ces dernières années. Aucune loi, aucune arrestation, aucun plan… la dernière campagne de communication d’ampleur daterait de Tsirananana !
- Un parc de véhicules toujours plus nombreux et toujours aussi polluants. Nous sommes tous habitués aux fumées noires qui sortent sans gêne des voitures ou camions, au point de ne même plus y faire attention. Aucune amende, aucune règle antipollution… Pour ce qui est du contrôle technique, chacun sait qu’il n’a de contrôle que le nom. Les papiers obtenus ne portent que la signature de la corruption. Des quasi-épaves roulent avec un contrôle technique OK.
- Aucun programme de reforestation sérieux. Les bonnes âmes y vont de leur plantation d’eucalyptus. Une horreur écologique qui appauvrie nos sols et détruit le peu de biodiversité qu’il nous reste. Vous savez, cette fameuse biodiversité unique dont toutes les présentations de Madagascar se vantent à grands cris. Chaque années des efforts sont produits pour… la détruire définitivement.
- Même les réserves naturelles sont attaquées. On connait le fameux cas de l’Isalo où les chercheurs de saphirs ravagent des zones dans le parc lui-même. Des photos et des vidéos circulent pour le montrer. Rien n’est fait. On raconte même que des gendarmes seraient complices. Encore notre maudite corruption.
Doit-on remettre sur le tapis le scandale des bois de roses ?! … pfoufff.
- On continue d’acheter des groupes électrogènes à gaz oil à la JIRAMA. Coûteux, polluants, bruyants… et régulièrement en panne, nous garantissant de plus en plus d’heures interminables de délestage ! Aucun plan d’envergure pour faire de grands barrages hydro-électriques… aucune installation solaire ou éolienne digne de ce nom… aucune stratégie qui nous conduirait vers une indépendance et une transition énergique durable. On repousse les problèmes en s’enfonçant toujours un peu plus. Une condamnation programmée des générations futurs.
- Où sont les bornes pour voitures électriques que l’on voit fleurir partout dans les pays en développement ? Pas une seule à Tana. Comment peut-on espérer encourager au moins une partie de la population urbaine, même petite, à passer à des moteurs non polluant ?
- À quand la détaxation des kits d’installation d’énergie solaire, d’éolienne ou de production de méthane, … ? pour permettre, au moins, l’électrification de nos campagnes et des populations à faible revenu.
… La liste serait longue et sans fin. Les décharges à ciel ouvert… tous les produits polluants interdits dans les autres pays mais autorisés à Madagascar… pas de tentative de recyclage de certains déchets (sauf par certains artisans créatifs lOl )… une loi sur les sacs en plastique qui partait d’un bon sentiment, mais qui nous oblige à avoir des sachets si épais que l’on peut douter de leur biodégradabilité… des canaux à Antananarivo qui sont de véritables bouillons de culture et nids à peste parce qu’aucun plan d’évacuation et traitements des eaux usées n’est mis en œuvre… de la lessive bon marché importée par container entier en sachet plastique de 30 gr pour une double peine assurée : pollution des eaux avec les pires lessives et sachets jetés au grand air par milliers chaque heure sur le territoire… Chasse aux lémuriens, trafique de tortues dans les bagages Air Mad, etc.
La blacklist est dure, sans concession. Mais elle est la réalité. Rien n’est fait. Pire, quand quelqu’un, animé par une bonne intention, veut planter des arbres sur des terrains quasi-désertiques, il doit faire face à toutes les difficultés. Et s’il arrive à en planter quelques hectares, le petit éleveur du coin va y mettre le feu en toute impunité, juste parce qu’on lui a interdit de faire brouter ces quatre zébus dans cette zone.
Si des paroles bien inspirées ont dit un jour « aide-toi, le ciel t’aidera », à Madagascar, il semble que le propos soit plus « aide-moi et aide-moi encore ». La victimisation et la position du mendiant. Jamais un geste de fierté bien placé pour se prendre en main et donner l’image d’un peuple digne. « Vazaha donn’moi l’arzent ». Mais ne t’occupes pas de ce que j’en fais après.
Stop à la mendiocratie. Agir.
Pas d’auto-flagellation. La critique est facile. Et rassurons-nous, Madagascar n’est pas le seul pays où la corruption et la mauvaise gouvernance rime avec mendiocratie au point de vivre sous perfusion des pays riches. Les crédits générés sont tellement importants et insurmontables qu’ils nous enfoncent chaque année un peu plus dans la pauvreté. Le principe est bien connu : tu es pauvre… je te prête de l’argent pour que tu vives… tu dois me rendre cet argent avec des intérêts… et comme on est pauvre, nous n’avons pas l’argent pour rembourser, alors on emprunte pour rembourser les intérêts !… Les gouvernements n’ont donc jamais d’argent pour mettre en œuvre des programmes politiques constructifs. Les peuples sont toujours plus pauvres pendant que certains profitent des crédits alloués. Le peuple est mécontent et se laisse guider par le premier « redresseur de torts » qui se présente. Son objectif : prendre la place du calif. Puis, … mendier des crédits supplémentaires. S’enrichir. Puis se rendre compte qu’il ne peut rien faire sauf essayer de protéger sa place. Les opposants l’accusent de mettre en place une dictature … etc… vous connaissez la suite.
Pour en revenir à la Cop 21, bien sûr qu’il faut se positionner pour essayer de récupérer le plus possible des subventions à venir dans le cadre de la préservation de la planète et de la tentative de limiter le réchauffement à 2°. Rappelons au passage que ce seuil est déjà en soit une catastrophe et que les experts s’accordent sur le fait qu’il est quasi-inateignable. Nous pourrons faire valoir sans peine le caractère unique de la biodiversité malgache et les vastes terres en voie de désertification de notre territoire. Peut-être donc une belle chance de renverser la vapeur et de faire partie des privilégiés en terme d’aide et d’assistance. Encore faudrait-il inspirer confiance grâce à une stabilité démocratique avérée, une stabilité des institutions et des lois, une bonne gouvernance et les preuves de notre engagement. Montrer au monde que le pays est réellement engagé dans une politique environnementale concrète, réfléchie et vérifiable.
Alors reprenons la blacklist ci-dessus :
- Au-delà de la sensibilisation toujours pas mise en pratique, quand allons-nous faire en sorte que les feux de brousse soient arrêtés ? Comment ferons-nous ? Quel arsenal de lois et de moyens allons-nous mettre en place pour cela cesse ? Communication ? Aides aux agriculteurs et éleveurs ? Répression ?
- Évolution du parc véhicule vers du moins polluant ou pas polluant du tout ? Révision des taxes pour favoriser l’achat de véhicules récents. Développement du crédit avec les banques. Contrôles antipollutions renforcés ? Refonte et optimisation du réseau routier pour une meilleure conduite et moins d’embouteillage ? Mise en place de transport en commun de qualité ? Relance du chemin de fer ? …
- Facilitation et protection de programmes de reforestation en espèces endémiques et pas en mono-espèce qui pourraient englober la vente des terres à des étrangers engagés dans cette dynamique sous réserve du respect d’une charte et d’un contrôle d’une norme de reforestation ?…
- mise en place d’une brigade d’incorruptibles formés et équipées pour la protection des aires protégées et zone de reforestation ? Répression des contrevenants… Chasse aux trafiquants de tous ordres avec sanctions exemplaires…
- Programmes de mise en place de grands barrages hydroélectriques qui permettront aussi l’irrigation des cultures. Idem pour des centrales solaires de grandes ampleurs ou pour l’éolien. Détaxation des équipements pour des installations individuelles en utilisation domestique en solaire, éolien… au moins le temps que les grands projets nationaux deviennent productifs en énergie verte.
- Dépollution de Tana avec la mise en place d’un programme de traitement des eaux usées, de mise en place de grands canaux propres pour l’évacuation des eaux et autorisation des remblais pour construire et nettoyer ces zones urbaines insalubres. Construction de logements sociaux…
… Bref, les idées ne manquent pas, ni le bon sens. Il suffit d’un peu de réalisme. Pour les crédits, les bailleurs se frotteront les mains pour nous aider à mettre en place d’aussi bons projets. L’Egypte n’a pas construit le barrage d’Assouan sur fond propre. Le Maroc construit une des plus grandes centrales solaires du monde à Ouarzazate grâce à un financement saoudien.