Après une nuit optimiste et flatteuse pour les pro-UE, le couperet est tombé ce vendredi matin : 59,1% pour LEAVE. Le Royaume-Uni quitte l’Union européenne. La voix populiste, qui anime le monde au nom d’un raz le-bol des institutions politiques classiques, a marqué un point qui pèse lourd sur l’avenir géopolitique et économique de la planète. La cinquième puissance choisie de jouer solo.
Référendum : les limites de la démocratie ?
Tout le monde s’y attendait sans trop y croire. Un relent d’optimisme sur le mode « ils n’oseront pas« . Et voilà ! Bingo. Les Anglais disent non à l’Europe. David Cameron s’est lui-même tiré une balle dans le pied en lançant ce référendum, comme un chantage pour mieux négocier face à la toute-puissance de l’administration européenne. Dans ce cas, le retour de bâton est douloureux. Il perd son initiative de rendre la voix au peuple et se retrouve sur un siège éjectable du même coup. Il offre aussi une tribune de rêve pour les extrémistes politiques de tout poil dans son pays, avec qui le prochain gouvernement devra compter.
Et pourtant ! Les chefs de grandes entreprises, les financiers étaient majoritairement pour rester dans l’Europe. Londres a voté pour le Remain. Les Écossais ou l’Irlande du Nord aussi. Les jeunes Britanniques ont voté à plus de 60% pour l’Europe. Leurs parents leur ont volé leur avenir, au nom d’un protectionnisme national pas toujours heureux et dont ils ne mesurent pas forcément toutes les conséquences. La tentation du repli fait recette ces derniers temps. À l’heure des réseaux sociaux et de l’internet omniprésent, on a de quoi être surpris.
Le référendum est souvent cité comme un exemple de l’expression populaire directe, donc parfaitement démocrate. Mais l’on en connait les limites : souvent le peuple votant ne répond pas à la question posée. Ici le propos était plus une agitation contre les migrants que l’Europe imposerait. Les adversaires du Leave se sont engouffrés dans la brèche. Et le pays qui avait le statut le plus particulier – et très à son avantage – dans l’Union européenne, s’est convaincu que le peu cédé était trop.
Le Brexit : exit le Royaume-Uni ?
Les médias parlent d’incertitude craignant des réactions en chaine et une crise financière sans précédent avec des répercussions mondiales. Cependant, la plus grande crainte est l’avenir du Royaume-Uni. La reine Élisabeth risque de vivre bien mal sa fin de règne. En effet, l’Écosse, qui a déjà fait récemment un référendum pour ou contre son indépendance, agite déjà le dossier d’un nouveau référendum sur le sujet, avec un soutien massif, cette fois-ci, des Écossais qui souhaitent rester dans l’U.E. Le Sinn Fein réclame déjà la réunion de l’Irlande : les Irlandais du nord étant aussi pro-européen. Que resterait-il alors à l’Angleterre : la petite Bretagne ? Une sorte de Suisse qui négociera des accords particuliers avec son grand voisin. Lequel serait en position de force, lui rappelant que c’est elle, l’Angleterre, qui a voulu partir.
Déjà des grandes banques installées à la City ont annoncé qu’elles devront délocaliser. Des grandes entreprises aussi. Les bourses dévissent déjà aujourd’hui. La Livre sterling est sur la même porte. L’indépendance va avoir le goût amer de la solitude.
Et pour Madagascar ?
Madagascar a une longue histoire avec le Royaume-Uni. D’une certaine manière, notre pays est le fruit d’une lutte d’influence entre la Grande-Bretagne et la France depuis au moins 200 ans. Nous retrouvons encore la trace de cette lutte à travers les deux grands groupes religieux de la Grande île : chrétiens et protestants. Fracture qui est sous-jacente aux derniers évènements : clan Rajoelina, contre clan Ravalomanana. On peut difficilement dire donc que le résultat de ce Brexit n’aura pas de retomber ici.
La nouvelle crise financière, qui va accompagner cette volonté de replis sur soi à la source du succès du Leave, aura une influence importante sur notre pays. Moins d’aides, des aides de plus en plus contrôlées et « pour la forme », mais la fin des grands robinets financiers de cette communauté internationale que l’on est souvent si prompt à critiquer. En clair, si l’on voit déjà les mauvais penseurs se frotter les mains, en comparant maladroitement la supposée mainmise des grands pays occidentaux sur l’Afrique, et réclamer le même traitement sur le mode « laisser nous tranquille nous aussi« , il va falloir apprendre a faire seul et à moins attendre qu’une aide tombe du ciel pour construire une route ou une école.
Gardons-nous de tout catastrophisme. Ni l’Europe ni le Royaume-Uni n’a intérêt à se lancer dans un rupture radicale. De part et d’autre, les intérêts de chacun vont primer dans les négociations, et l’art du compromis, si critiquer par Winston Churchill, va faire son œuvre pour arrondir les angles. Le changement aura au moins le mérite de reposer les bonnes et les mauvaises questions. Il faudra s’adapter aux réponses.